J’étais même pas sûre d’y arriver, et voilà que je me retrouve, depuis plusieurs années maintenant, à espérer de moi tellement plus.
Une ambition qui me dévore parce qu’elle cache seulement l’envie d’échapper à la réalité.
Comprends-moi bien: c’est pas l’ambition le problème. Je ne voudrais pas nourrir ces idées stupides comme quoi l’ambition cache toujours quelque chose de mauvais et de toxique chez la personne. Ce n’est pas ça. Le problème, c’est que cette ambition est accompagnée d’une envie d’échapper à certains aspects de la réalité, et que ce petit déni a trouvé le bon filon pour rester là : se cacher discretos derrière le rideau de l’ambition, tirant un peu le tissu pour pouvoir se fourrer en-dessous, espérant que personne ne le remarque.
La réalité a un goût particulier. Et si on a envie de ne plus en voir certains aspects, c’est ptète pas pour rien.
Parce que.
Si tu es au courant que le meurtre existe, tu vas peut-être faire des trucs pour apprendre à te défendre : certes. Et tu ne voudras pas « nier » cet aspect du réel, qui te dit que certains gens tuent d’autres gens.
Même que tu pourras regarder des films ou des séries où un meurtre apparaît, sans soucis.
Mais le jour où, concrètement, tu es confronté à la chose, et que c’est toi qu’on s’apprête à tuer…
?
Alors ?
Tu es toujours aussi prompt à vouloir « goûter le réel » ?
Parce que c’est sûr que c’est facile de dire aux gens « ne fuyez pas ce qui est désagréable » et « vous êtes des idiots parce que vous restez dans le déni ». En particulier quand on n’a soi-même jamais goûté les aspects du réel qui sont vraiment dégueulasses.
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La soupe ça fait grandir (youpi). Maintenant ceux qui viennent te dire que t’es toujours censé boire ta soupe pour grandir et que sinon t’es un peu un naze, sachant que leur soupe est potable, tandis que la tienne a un goût de vomis de chien, excuse-moi mais y a d’l’abus.
Ouais, des fois tu as besoin de te donner l’impression que ton expérience de vie n’a pas tout à fait été du vomis de chien.
Parce que ça te fait des émotions plus… Digestes.
Donc c’est clair qu’à un moment, de toute façon, va bien falloir les digérer, les trucs (enfin perso j’ai pas envie de passer ma vie avec ça sur le ventre).
Mais oui, quand ça te dégoûte vraiment, si ça se trouve ça va te prendre des années avant de pouvoir accepter que « le réel c’est ça aussi ».
Pendant ces années, rien ne va changer dans tes réactions. Et dans tes actions : pas grand-chose non plus. Et tu vas peut-être te persuader que tu mûris, pour ton estime de toi, alors qu’en réalité pas du tout, tu n’apprends rien.
Mais s’il y a bien une chose que j’ai compris (même si je n’ai pas toujours le courage de me le dire à moi-même), c’est qu’on ne peut pas forcer un être humain à avoir envie (d’apprendre).
Parfois, il s’agira d’abord de défendre son droit à ne pas avoir envie.
Son droit à ne pas vouloir, mais à être digne quand même.
Parce que pour tous ceux qui ont été atteint dans leur droit à exister (beaucoup, beaucoup de gens), on doit rappeler que la joie de vivre pour eux n’est pas un choix, c’est un droit qui a besoin d’être défendu.
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Alors si on pouvait juste dire un peu plus souvent :
« Oui, tu as le droit de ne pas vouloir boire ta soupe de vomi, ton lot quotidien d’émotions chiantes »
Moi je crois que beaucoup de personnes commenceraient à, progressivement, se donner le choix de la boire ou pas.
Et voir le réel tel qu’il est, ou pas.
En étant au courant que c’est normal d’avoir un geste de recul, quand ça fait si mal.
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Rappelez-vous que tout le monde n’a pas eu à traverser ce que vous avez à traverser.
Vous êtes la seule personne à savoir.
Vous avez le droit de ne pas vouloir.
Votre expérience de la vie n’a marqué que vous.
Et je crois que toute personne qui prétend vouloir donner des conseils aux autres devrait envisager d’en faire son métier (c’est-à-dire, investir de son temps pour apprendre faire ça correctement, avec sagesse).
Et sinon, se taire.